La grille 2021 se complète

Évincé par Racing Point pour laisser le champ libre à Sebastian Vettel, Sergio Pérez est très courtisé sur le marché des transferts, grâce à son talent incontestable, mais aussi aux dollars de son généreux parrain, le milliardaire Carlos Slim. C'est ce pedigree qui attire notamment Williams. Certes, au cours de l'été, l'écurie de Grove a annoncé la reconduction de ses deux pilotes actuels, George Russell et Nicholas Latifi, pour la saison 2021. Mais c'était avant que la famille Williams ne cède l'entreprise à Dorilton Capital et depuis les nouveaux propriétaires jugent plus opportun d'engager un second pilote payant pour l'année suivante. George Russell, qui n'a pour lui que ses capacités et le soutien de Mercedes, semble particulièrement menacé par cette éventualité. Mais Pérez a des options plus sérieuses que Williams.

 

En effet, dans le même temps, son agent Julian Jakobi est approché par le Dr. Helmut Marko qui paraît enfin se résoudre à remiser son dogme de n'engager que des pilotes issus de la filière Red Bull, et ce afin de donner à Max Verstappen un coéquipier digne de ce nom. Le pauvre Alexander Albon, sans doute trop rapidement hissé des catégories de promotion à un « top team » de Formule 1, n'est en effet clairement pas à la hauteur de sa tâche. Peu avant le GP du Portugal, Christian Horner, le directeur de RBR, l'a averti qu'il ne lui donnait plus que deux courses pour sauver son volant. À Portimão, le jeune Thaïlandais a fini douzième, hors des points... Son sort est déjà scellé. Mais pour le remplacer, Red Bull n'a plus de jeunes poulains en réserve. Marko et Horner approchent donc deux pilotes de renom, très expérimentés, très respectés, mais sans contrat pour 2021: Nico Hülkenberg et Sergio Pérez. À Imola, la rumeur veut que le Mexicain tienne la corde: Marko et Jakobi auraient déjà signé un contrat. Cela ne sied guère au clan Verstappen. Max et son encombrant paternel Jos estiment avoir besoin d'un équipier solide, zélé mais pas trop dangereux: à cet égard, le sage et timide Hülkenberg semble être une meilleure option qu'un Pérez au caractère plus trempé. Reste à voir qui fait la loi chez Red Bull...

 

Le remplaçant d'Alex Albon ne sera en tout cas pas Pierre Gasly qui, en dépit de sa superbe saison avec AlphaTauri, dont le point d'orgue fut bien sûr sa victoire inattendue à Monza, n'a jamais été considéré par Christian Horner et Helmut Marko comme un candidat crédible. Le souvenir de sa piètre demi-saison chez RBR en 2019 n'est semble-t-il pas encore dissipé... Aussi, l'annonce de sa reconduction chez AlphaTauri pour 2021 est teintée d'une certaine déception. « Cela fait un moment que j'étais prévenu, mais dans un sens, cela reste une surprise, parce qu'AlphaTauri n'a remporté que deux victoires en quatorze ans et que l'une d'elle m'appartient. Quand Vettel a gagné pour eux en 2008, il a été promu chez Red Bull. Moi, avec deux podiums en deux ans et le record de points marqués pour l'équipe, je stagne malgré mes performances. » Beaucoup estiment que Helmut Marko, responsable de la disgrâce de Gasly en août 2019, ne voudrait à aucun prix avaler sa casquette en le réintégrant un an plus tard dans l'équipe première. L'Autrichien se défend en affirmant que Red Bull a effectivement grand besoin de Gasly... mais comme leader de l'écurie B, vitrine de la ligne de vêtements créée par Red Bull: « AlphaTauri est un projet dans lequel nous avons investi beaucoup d'argent et les ventes ont sensiblement augmenté depuis la victoire de Gasly à Monza. Pour la visibilité de cette marque, nous avons besoin d'un pilote très fort. Pierre est par conséquent un élément essentiel de notre philosophie d'entreprise. » Bref, le Français est devenu une sorte de communicant pour le textile « bling bling » !

 

La reconduction de Pierre Gasly par AlphaTauri est cependant un soulagement pour Esteban Ocon. En effet, depuis plusieurs semaines, le bruit courait que Renault, déçue par ses piètres résultats, songeait à le remplacer par son compatriote et rival. Il est vrai que le natif d'Évreux a jusqu'ici inscrit deux fois moins de points (40 contre 80) que son équipier Daniel Ricciardo qui le domine continuellement. Mais le rythme effréné de cette saison 2020 qui suit une année 2019 passée loin de pistes plaide à sa décharge. En outre, Ocon est en proie à une malchance certaine, puisqu'il a déjà subi trois pannes en course depuis le début du championnat. Cyril Abiteboul lui donne ainsi une année de sursis, mais garde sans doute sous le coude l'option Gasly...

 

Enfin, le 30 octobre, Alfa Romeo - Sauber annonce la reconduction de son tandem actuel pour 2021. Kimi Räikkönen, 41 ans, fêtera ainsi l'an prochain ses vingt années en Formule 1, comme Fernando Alonso. Quant à Antonio Giovinazzi, il garde la confiance de Frédéric Vasseur en dépit de ses performances toujours aléatoires. Mais alors qu'il semblait condamné, l'Italien a redressé la barre en inscrivant un point fort bienvenu au Nürburgring. Son maintien chez Alfa Romeo signifie probablement que Mick Schumacher, auquel son baquet semblait promis, ira plutôt chez Haas, l'écurie B de Ferrari, dont les deux volants sont disponibles.

 

Mercedes, Wolff, Hamilton: avenirs en suspens

Mercedes-Benz et Aston Martin, déjà liées par un accord depuis 2013, se rapprochent encore un peu plus en cet automne 2020. Le 28 octobre, le géant allemand annonce qu'il rachète 20 % de la firme britannique, soit un peu deçà de la part détenue par Lawrence Stroll. Cette alliance étroite concerne bien évidemment au premier chef la production routière. Aston Martin aura désormais accès à toute une panoplie de dispositifs hybrides et électriques élaborées par Mercedes. Mais elle aura aussi des conséquences en Formule 1 où la future écurie Aston Martin (aujourd'hui Racing Point) pourra dorénavant être considérée comme la vassale de Mercedes-AMG... si toutefois celle-ci poursuit son engagement sous cette dénomination, car Daimler-Benz a déjà fait part de son intention de diminuer son engagement financier dans la discipline. Un recul que certains interprètent comme les prémices d'une vente de l'écurie d'usine. Ainsi, courant septembre, des rumeurs annonçaient un possible rachat par le géant britannique de la chimie Ineos, déjà très impliqué dans le cyclisme.

 

Ces bruits ont été rapidement balayés, mais de nombreuses interrogations subsistent. Ainsi, Lewis Hamilton n'a toujours pas officiellement signé de contrat pour 2021, et certains murmurent que le futur septuple champion du monde serait préoccupé par le possible retrait Mercedes, du moins en tant que structure officielle. Mais ces tergiversations ont peut-être pour origine un différend financier. En effet, les autorités sportives prévoient désormais de soumettre les salaires des pilotes au nouveau plafond budgétaire, et l'on suppose que les futurs émoluments seront bloqués à 30 millions de dollars. Ennuyeux, alors que le salaire annuel de Hamilton est évalué à 35 millions... Le pilote anglais s'obstinerait à ne pas réduire ses exigences. Des supputations auxquelles Toto Wolff répond par l'ironie: « Vous avez raison, Lewis est tellement cher qu'en fait nous allons devoir tout vendre pour le payer ! » Et lorsqu'on lui demande où en sont les négociations, Wolff botte en touche: « J'étais à Monaco la semaine dernière et j'aurais pu aller chez lui pour en discuter, mais j'ai eu peur de lui refiler le Covid-19... » Sans compter que les rues de la Principauté ne sont plus sûres...

 

À vrai dire, l'avenir de Toto Wolff lui-même est rien moins qu'incertain. Après sept années d'immense succès à la tête de Mercedes-AMG, l'Autrichien arrive en fin de contrat en 2021 et aspire à de nouveaux défis. Il ne cache pas qu'il recherche au moins un bras droit pour le décharger des tâches les plus contraignantes. Mais il ne s'éloignera sans doute pas de la firme à l'Étoile: rappelons qu'il est actionnaire à 30 % de l'écurie de Formule 1. Certains estiment qu'il pourrait reprendre à terme le poste de président non-exécutif jadis détenu par Niki Lauda et laisser la direction générale à une autre personnalité. D'autres, plus imaginatifs (ou mieux informés) avancent qu'il va racheter l'écurie d'usine Mercedes pour en faire un « team Toto »...

 

Quoiqu'il en soit, Mercedes peut s'assurer ce week-end de son septième titre mondial des constructeurs consécutif, ce qui serait un nouveau record. Pour cela, la marque allemande doit inscrire onze points de plus que Red Bull-Honda, ce qui semble largement faisable.

Tony